A la suite du décès d'une tante sans descendance, Annette Wieviorka réfléchit aux traces laissées par tous les êtres disparus qui constituent sa famille, une famille juive malmenée par l¹Histoire. Il y a le côté Wieviorka et le côté Perelman. Wolf, l¹intellectuel yiddish précaire, et Chaskiel, le tailleur taiseux. L¹un écrit, l¹autre coud. Ils sont arrivés à Paris au début des années 1920, en provenance de Pologne. Leurs femmes, Hawa et Guitele, assument la vie matérielle et celle de leurs enfants. Dans un récit en forme de tombeaux de papier qui font œuvre de sépultures, l¹historienne adopte un ton personnel, voire intime, et plonge dans les archives, les généalogies, les souvenirs directs ou indirects. Par ces vies et ces destins recueillis, on traverse un siècle cabossé, puis tragique : d¹abord la difficile installation de ces immigrés, la pauvreté, les années politiques, l¹engagement communiste ou socialiste, le rapport complexe à la religion et à la judéité, puis la guerre, les rafles, la fuite ou la déportation [xe2][x80][x93] Paris, Nice, la Suisse, Auschwitz [xe2][x80][x93] et enfin, pour certains, le difficile retour à la vie marqué par un autre drame. Tout l¹art consiste ici à placer le lecteur à hauteur d¹hommes et de femmes désireux de bonheur, de joie, de liberté, bientôt confrontés à l¹impensable, à l¹imprévisible, sans certitudes ni connaissances fiables au moment de faire des choix pourtant décisifs. C¹est ainsi que des personnages très attachants et un monde disparu retrouvent vie, par la grâce d¹une écriture sensible et précise.