L'avis de Ricochet
Trois jeunes canards, Joséphine (en bleu), Barnabé (le plus grand, en vert) et Suzie (la plus petite en rose) passent du temps ensemble ; ils sont un peu désœuvrés. Il semble faire beau ; le décor se résume à un banc et à un arbre stylisé et les fonds sont lumineux.
Un jeu s’invente : « On va jouer à faire le mort ! ». Le lecteur est immédiatement interpelé : la mort n’est pas un jeu !
Et pourtant, si. C’est un jeu facile qui ne demande aucun matériel, mais requiert l’immobilité absolue. Et ça, c’est drôlement difficile. Barnabé l’apprend à ses dépens : il est éliminé pour s’être gratté le nez.
Le dialogue s’installe dans une totale tranquillité : être mort, c’est comment ? En croix, à plat ventre, à chacun son confort. C’est quand ? Chacun son tour et pour longtemps (sauf si on est éliminé comme Barnabé !). On fait quoi ? Quels sont les avantages et les inconvénients de la situation ? Ne pas manger de brocolis, ça c’est bien, mais avoir froid par terre, brrr...
L’autrice se fait discrète, on a vraiment l’impression d’entendre de jeunes enfants parler avec un joyeux mélange de réel et de fiction :
Moi, je connais quelqu’un qui est mort pour de vrai ! Il n’a plus jamais rien mangé, dit Barnabé.
Oh! s’écrie Joséphine. Et qu’est-ce qui s’est passé ?
On l’a enterré. Comme un trésor, répond Barnabé.
L’extrême simplicité du trait, les trois protagonistes dans différentes positions (assis, couchés, debout) rendent compte de l’activité spatiale presque théâtrale du jeu. Ils bougent sans arrêt, pendant que le texte sur la page en regard fait progresser la réflexion : quand on est mort on ne sent plus rien, ni froid, ni peur. Le jeu de la mort est purement langagier, il emploie les codes du jeu (changer de rôle, passer un tour, être éliminé, s’amuser à faire peurà) et la chute savoureuse éloigne toute idée morbide.
Un album d’une grande rigueur dans sa composition, d’une véracité troublante dans son texte et d’un humour tendre qui rend les héros proches et chers. Un album précieux pour aborder la question de la mort avec des enfants, apprivoiser l’idée et en rire, peut-être.
Danielle Bertrand